Orang-outan ou l'ingéniosité au service de la liberté

Orang-outan et son petit - zoo de la Boissière du Doré (2010) par Thomas

Ken Allen, un orang-outan, à la recherche de la liberté…

L’orang-outan, Ken Allen, né en captivité en 1971, a dès le début de sa vie montré des talents pour s’en affranchir… il était capable de dévisser des écrous, de construire des échelles et même de tester leur solidité !  Il a tout d’abord avec ses compagnons de misère, lancé des pierres et des excréments sur le public. Le zoo de San Diego (Californie) l’a alors installé derrière des baies vitrées auxquels il s’est attaqué à coups de cailloux. Les marchandages proposés par le zoo – une pierre non lancée = une banane – n’ont eu aucun effet sur lui.  La captivité ne s’achète pas !

Il a alors fallu nettoyer la cage afin que Ken et les autres détenus ne puissent plus utiliser de projectiles. C’était sans compter sur l’ingéniosité de ce groupe de grands singes avides de liberté, ils se sont méthodiquement appliqués à arracher les isolateurs en céramique et à les jeter hors des murs.

L’ “homme de la forêt” ne voulant plus demeurer “bête de foire” tenta donc de s’évader de cette jungle urbaine…

La première évasion réussie a été effectuée en juin 1985, obligeant le zoo à consolider l’enclos. Moins de 2 mois plus tard, Ken a réitéré l’exploit à 2 reprises !  Chaque fois de nouveaux travaux ont été engagés, les murs ont été surélevés,  les surfaces lissées, et l’enclos électrifié. En plus de cela de nouvelles femelles ont été présentées à Ken afin de lui changer les idées et des gardiens du zoo se sont mêlés aux spectateurs afin de le surveiller. Mais Ken dans sa soif de liberté n’a non seulement pas abandonné son projet, mais a également repéré les gardiens mêlés au public. Les membres du zoo ont dû alors se transformer en véritable espions dissimulés dans la foule de chemises hawaïennes et lunettes noires pour observer l’animal…

C’est ainsi que Ken a été pris en flagrant délit lors de sa 4ème tentative d’évasion :  après avoir placé des branches en vue de se frayer un chemin sur le fossé rempli d’eau (les orangs-outans ont peur de l’eau), il a escaladé l’angle formé par les parois en posant un pied d’un côté, et la main de l’autre…   Malheureusement, son évasion a pris fin lorsque l’animal a été confronté à la nouvelle installation électrique placée en haut des enceintes …

Dès lors, comme résigné à devoir subir cette captivité imposée de naissance, Ken n’a plus retenté l’expérience jusqu’au mois d’avril 1987 date à laquelle il a profité d’une coupure d’électricité lors de travaux pour s’enfuir de nouveau. Les employés du zoo s’interrogent encore afin de comprendre comment cet orang-outan a pu savoir que l’électricité était suspendue à ce moment là. L’évasion de ce jour a failli mal se terminer, le personnel du zoo étant prêt à tirer à balles réelles sur ce proche cousin afin de l’arrêter. Toutefois, Ken, après avoir goûté un peu de cette liberté factice, a décidé de se laisser capturer, non sans colère.  Il a été conduit dans une cage intérieure dans le sous-sol du zoo (dans les prisons, on appelle cela un cachot).

Ken est mort en 2000 des suites d’un cancer. Il est mort comme il est né : captif.

S’il n’a plus réussi à s’évader,  ses évasions semblent néanmoins avoir inspiré d’autres détenus au sein même du zoo de San Diego…

Kumang, le récidiviste

Kumang, dans la continuité de Ken, a donc “fait le mur” du même zoo en août 1987 puis en 1988 grâce à l’aide de sa soeur Sara. Celle-ci lui a apporté son aide, en lui tenant un bâton surlequel Kumang a pu se hisser … le genre d’entraide que l’on trouve très souvent dans la nature mais qui a tendance à disparaître en captivité.  Kumang a réussi 2 autres évasions qui bien entendu ne se sont soldées que par des retours à la case départ.

Les orangs-outans ont alors été enfermés pendant plusieurs mois dans des cellules intérieures du zoo le temps que les concepteurs de cette captivité forcée puisse repenser les structures de leur prison.

(D’après Jason HRIBAL, Orangutans, Résistance and the zoo, décembre 2008)

Plusieurs tentatives d’évasion d’orangs-outans de par le monde

Octobre 2009,  Karta, après avoir court-circuité l’enclos électrique dans lequel elle était enfermée, construit une “échelle ” de fortune afin de s’échapper du zoo d’Adélaïde en Australie (source Daily Telegraph).

Mai 2008, un orang-outang s’échappe du zoo de Los Angeles (source Le Post).

Mai 2007, un orang-outan réussit à quitter la cage du zoo de Taïwan et sème la panique dans un restaurant. Il est arrêté à l’aide d’un pistolet paralysant… (source abc13)

Octobre 2004, un orang-outan s’extirpe de sa ‘cage’ du zoo de Fresno en Californie après avoir, avec ses compagnons de fortune,  démêlé pendant des semaines et à l’insu des gardes un filet en nylon entourant l’enclos (Jason HRIBAL).

Octobre 1991, évasion de 5 orangs-outans du zoo de Seattle en se faufilant au travers d’une porte de sécurité et en escaladant le mur de l’enclos. Ils n’ont pu être arrêté que par des projectiles tranquillisants (Jason HRIBAL).

Coupables ?

Alors que le zoo d’Amnéville annonce la naissance de Dwi un nouvel orang-outan en insistant sur le fait que cette naissance s’inscrit dans les programmes européens d’élevage pour espèces en danger, on peut s’interroger sur l’intérêt même de ce “carnet rose”.

Si le zoo d’Amnéville participe (en fait c’est une obligation légale et c’est le public qui paie au travers de son billet d’entrée) à un programme de conservation des orang-outan à Bornéo, on oublie de rappeler que les animaux qui sont détenus dans les zoos ne verront de leur territoire d’origine que la peinture ou les posters que viendront coller les animaliers dans leurs cages. Ce petit Dwi, d’espèce aussi rare soit-elle, est condamné à subir l’enfermement et la présence des touristes durant toute sa vie, car – et ne le public ne le sait que trop peu – Dwi ne verra jamais ni Bornéo ni Sumatra. Peut-être tentera t-il avec toute l’habilité de son espèce de s’extraire des parois qui l’enferment, mais ce ne sera qu’illusoire.  Les zoos jouent habilement de cette communication selon laquelle ils participent à la conservation des espèces et de ce fait pourraient s’absoudre de toute responsabilité, voir même seraient les garants du sauvetage des espèces.

Ne nous y trompons pas, en exhibant ainsi l’animal, les zoos le transforment en un bien consommable et donc en une marchandise. Croire que le public qui vient “consommer de l’exotisme” et se divertir prendra conscience de la fragilité de ces populations et de la nécessité par exemple de ne plus consommer d’huile de palme est vain. Parce que le concept même de “zoo” sous-tend une marchandisation du vivant. Ken Allen, illustre à lui seul le décalage qui existe entre l’enfermement d’un côté et cette aspiration à la liberté de l’autre (ou du moins le besoin de s’affranchir de cette captivité). Le vocabulaire des zoos est celui des prisons :  enclos électrifiés, fossés, cages, enceintes, gardes, murs, captifs, évasions…

… il ne manque que les coupables.

Publié le: 
20/07/2012